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L’Esthétique du reflet, poésie de l’instant

Dans l’œuvre photographique de Karine Paoli, la ville ne se donne jamais frontalement. Elle se révèle par effraction, dans un éclat mouvant, à travers la surface instable de l’eau.

Paris, Venise, New York, Londres… : des cités-mondes, mythes architecturaux et culturels, qui deviennent sous son objectif des miroirs urbains, où l’image se diffracte et se combine dans une poétique de l’instant suspendu. Karine Paoli ne photographie pas la ville : elle capte ce qu’elle reflète d’elle-même, dans ces jeux d’ondes qui brouillent la perception et ouvrent un espace entre réalité et imagination. Son regard d’ « hypersensible » — terme qu’elle revendique avec justesse — est une plongée dans la vibration du monde, dans ces instants où le tangible se dissout, et où l’eau devient la toile mouvante d’un inconscient urbain. À rebours du spectaculaire ou du narratif, Karine Paoli privilégie l’émotion pure, l’abstraction organique, la lumière comme langage. Chaque photographie est une invitation à voir autrement : à entrer dans une contemplation active, à éprouver la ville non comme décor mais comme résonance intérieure. Les lignes d’immeubles se liquéfient, les ponts deviennent filaments, les monuments eux-mêmes se livrent comme des apparitions. Collectionner une œuvre de Karine Paoli, c’est choisir d’entrer dans ce champ de perception subtil, où l’eau devient mémoire, seuil, passage. C’est affirmer une sensibilité à l’indicible, une quête de beauté non figée, vivante, en perpétuelle transformation. C’est, en somme, s’approprier une part de l’âme des villes, telle que seule une artiste de l’intuition peut la révéler.